Les soins de santé sauvent des vies, mais ils génèrent également une quantité importante de déchets médicaux. Dans de nombreux pays en développement, l’absence d’infrastructures adaptées, de financements et de réglementations rend la gestion de ces déchets dangereux particulièrement complexe. Ce n’est pas seulement un problème local, c’est un enjeu sanitaire et environnemental mondial. 

Une situation mondiale préoccupante 

Selon l’Organisation mondiale de la santé, environ 15 % des déchets des établissements de santé sont considérés comme dangereux, car potentiellement infectieux, chimiques ou radioactifs. Les 85 % restants sont des déchets non dangereux, mais dans les pays à faibles revenus, le manque de tri transforme souvent l’ensemble du flux en déchets à haut risque. 

Les inégalités sont flagrantes. En 2021, seuls 61 % des établissements de santé dans le monde disposaient de services de gestion des déchets de base, et ce chiffre tombe à 25 % dans les contextes fragiles. Des milliers d’établissements de soins n’ont ni système structuré de collecte ni traitement des déchets infectieux. Le problème est lié à l’insuffisance des investissements, à l’absence de cadre réglementaire, à un manque de formation du personnel et à une sensibilisation limitée aux risques. 

Des pratiques à haut risque 

Dans de nombreuses régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, l’incinération à basse température est encore la méthode dominante. Or, la combustion incomplète des déchets médicaux libère des polluants toxiques tels que les dioxines et les furanes, des substances cancérigènes qui nuisent également au système immunitaire et au développement. La présence de métaux lourds comme le mercure ou le plomb dans les déchets aggrave la pollution des sols et de l’air. 

« Les mauvaises pratiques de gestion des déchets médicaux menacent non seulement les soignants, mais aussi les communautés entières », souligne le Programme des Nations Unies pour l’environnement dans son rapport 2024. L’enfouissement de déchets non traités, souvent sans contrôle, peut contaminer les nappes phréatiques et exposer la population à long terme à des agents pathogènes ou à des substances chimiques dangereuses. 

D’après l’OMS, les pratiques d’injection non sécurisées ont entraîné en 2010 plus de 1,7 million de cas d’hépatite B, 0,3 million de cas d’hépatite C et près de 34 000 infections par le VIH. Les piqûres accidentelles d’aiguilles contaminées restent fréquentes dans les hôpitaux sous-équipés. Au-delà du risque infectieux, l’exposition à des produits chimiques comme les désinfectants ou les résidus pharmaceutiques peut causer des intoxications graves. 

Une production de déchets en forte croissance 

L’amélioration de l’accès aux soins dans les pays du Sud entraîne une augmentation rapide du nombre d’hôpitaux, de cliniques et de laboratoires. Cette avancée essentielle génère toutefois un effet secondaire préoccupant : la production de déchets médicaux explose. 

Le Programme des Nations Unies pour le développement note que dans certaines zones d’Asie-Pacifique, le volume de déchets médicaux dangereux double tous les dix ans, tandis que les capacités de traitement restent insuffisantes. De son côté, le PNUE estime que la production mondiale de déchets municipaux passera de 2,1 milliards de tonnes en 2023 à 3,8 milliards de tonnes d’ici 2050. Dans ce contexte, les déchets médicaux deviennent une urgence parmi d’autres, notamment dans les zones urbaines en pleine expansion. 

Le secteur de la santé est également concerné par les enjeux climatiques. Selon les données des Nations Unies, il est responsable de près de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le traitement des déchets médicaux, en particulier l’incinération et le transport, joue un rôle non négligeable. Gérer mieux ces déchets, c’est aussi agir en faveur du climat et de la durabilité. 

Agir pour des solutions durables 

Réduire l’impact des déchets médicaux passe d’abord par une meilleure séparation à la source. Les établissements de santé doivent disposer de contenants adaptés, clairement identifiés, pour séparer les déchets infectieux, les objets piquants, les produits pharmaceutiques et les déchets banals. La formation du personnel est indispensable pour que ces pratiques deviennent la norme. 

Ensuite, il faut remplacer l’incinération par des technologies non polluantes, comme la stérilisation à la vapeur, les traitements par micro-ondes ou par procédés chimiques. Ces méthodes permettent d’éliminer efficacement les pathogènes sans émettre de substances toxiques dans l’environnement. Plusieurs pays ont déjà lancé des projets pilotes avec le soutien d’organisations internationales pour installer des unités mobiles ou stationnaires de traitement écologique comme Sterilwave. 

Enfin, une gouvernance forte est essentielle. Cela implique de mettre en place des réglementations claires, des contrôles efficaces et un financement dédié. La gestion des déchets médicaux doit être intégrée aux politiques nationales de santé et d’assainissement comme un pilier des systèmes de soins durables. 

« Une gestion sûre des déchets médicaux n’est pas un luxe. C’est une condition de base pour une couverture santé universelle et un environnement sain », rappelle l’OMS. 

Alors que la prise de conscience progresse, des solutions émergent. Il est temps de transformer ce risque souvent invisible en levier d’innovation et de sécurité sanitaire mondiale.